LES RHINOCÉ-POPS
DE JIM D.
Il semble bien que n’existent encore, sur notre planète, plus que cinq espèces de rhinocéros. En Afrique et en Asie. Trois d’entre elles seraient menacées d’extinction. Voire plus. L’étymologie du mot rhinocéros nous indique : rhis, le nez et kéras, la corne. Le rhinocéros africain a deux cornes. Une seule pour le rhinocéros d’Asie. Les rhinocéros de la vie réelle sont noir ou sont blanc. Le rhinocéros est un survivant du temps jadis des mammifères mastodontes.
En 1515, Albrecht Dürer a dessiné un rhinocéros alors qu’il n’en avait jamais vu de ses yeux. Celui de Salvador Dalí est tout de dentelles vêtu ; les deux ont un lien, Dali s’étant inspiré de Dürer. D’une même inspiration, il y a eu celui de Niki de Saint-Phalle dans les années 90.
Ce rhino-pas-féroce né sur la planète Jim D. est dans la continuité d’une première série de gravure, à l’ancienne, au trait, en noir et blanc. Un rhinocéros tout fragile qui portait déjà sur lui ses tatouages monochromes. Il s’en allait, solitaire, du nord vers le sud.
Est-ce dû à un air de notre temps aux aires confinées ? Toujours est-il que le nouveau rhinocéros de Jim D. est multicolore, il semble un peu farfelu, il est lumineux et touchant. Il est vêtu d’un wax africain revisité par Jim D. Ou peut-être d’un ndop, d’un rabal, d’un korhogo, d’un ntshak ou d’un kente ? Mélangé d’une indienne, d’un tissu batik, dabu, ikat ou encore kalamkari ? Il est tiré à quatre épingles, il est beau, il est pop , il a voyagé et file lentement désormais du sud vers le nord, allant, à petits pas, de l’Afrique du Sud vers l’Arctique histoire d’aller saluer les ours polaires sous les aurores boréales. Là où il aspire à être mieux protégé et là où il va faire chaud. Bientôt.
Du rhino-pas-féroce de Jim D. émane une sorte de remède contre la mélancolie, il a un tatouage solaire, duquel se dégage une énergie venue d’ailleurs. Il avance, sagement, courageusement. Il se rend vers un monde aéré, ouvert, tolérant et vaste.
L’œuvre d’Eugène Ionesco, Rhinocéros, une pièce du théâtre de l’absurde, évoque une épidémie imaginaire ; la « rhinocérite », une maladie effroyable qui transforme les habitants d’une ville en rhinocéros. Une allégorie de la montée des despotismes. Y-aurait-il dans le rhinocéros de Jim D., en ce mois de confinement novembresque 2020, une convoitise de nous extraire de la glue dans laquelle nous sommes ficelés ?
Les braconniers tuent les rhinocéros pour ne voler que la corne, par pure vénalité, une corne dont le prix dépasse, semble-t-il, celui de la cocaïne ou de l’or ; une corne broyée dont la poudre aurait des vertus médicales. Les temps n’ont pas encore changé. L’ignominie demeure.
Nul besoin de cocaïne, de poudre de corne de rhinocéros ou autre poudre de perlimpinpin pour s’évader, il suffit de dialoguer doucement avec les rhinocé-pops de Jim D., c’est à cette œuvre qu’on devrait attribuer une vertu curative, on esquisse un sourire d’espoir, elle nous emmène en voyage. Lentement.
P.A.
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